Rémy Jegard se lève le matin, il dépose sa fille au lycée, il travaille et il court (beaucoup). Si Rémy est un homme comme les autres, il demeure un coureur exceptionnel :
- Il a fondé l'un des médias running et trail les plus consultés dans le Sud Ouest.
- À ses 53 ans, il est un finisher prolifique.
- Rémy a tenté la Barkley sept fois. Sept fois, il s'est affronté à la course la plus difficile au monde.
Chez RUNNEA, nous avons eu la chance d'échanger avec lui sur son expérience en tant que coureur et en tant que professionnel. L'occasion d'en savoir plus sur un vrai modèle à suivre pour le commun des coureurs. Bonne lecture !
J’aime bien commencer les interviews par une question assez simple. Qui est Rémy Jegard et comment est-il tombé amoureux du trail running ? Au passage, tu fais 100% trail ou aussi de l'asphalte ?
Quand j'ai débuté, il n'y avait que l'asphalte. Le mot « trail » n'existait pas. Aujourd’hui, je ne fais pratiquement plus que ça.
Pour l’histoire, j’ai commencé la course à pied très tôt. Mon père était cycliste de haut niveau et du coup, j'ai d'abord fait du vélo.
Ensuite, j'ai arrêté le vélo pour les études et pour commencer mon premier boulot en tant que journaliste sportif à la Réunion. Ça a été le déclic, parce que je suis arrivé avec la première édition du Grand Raid de la Réunion.
Là, j’ai commencé à pratiquer exclusivement le trail.
Tu courais dans quelle catégorie ?
J’ai toujours couru en amateur. Je ne sais même pas si le mot « pro » existe vraiment même de nos jours. Il y a des équipes d’élite, mais est ce que dedans, il y a vraiment des pros qui font que ça ? Il y en a très peu.
Lors des débuts du trail en France, le niveau n’était pas aussi élevé que maintenant. C'était quand même beaucoup plus abordable.
Cela ne t’a pas empêché d’être sponsorisé par i-Run lors de la Barkley. Est-ce que tu as eu d’autres sponsors dans le passé ?
Pas grand-chose. Comme je suis journaliste, j'ai toujours essayé d'être neutre et indépendant pour pouvoir parler à toutes les marques de la même façon. C'est difficile d'aller démarcher une marque qui va voir qu'en même temps, je suis sponsorisé par une autre.
Malgré tout, j’ai eu la chance d’être accompagné par i-Run pendant quelques années. Je côtoyais le patron, Manu, qui nous a quittés il y a peu, pour le boulot. Quand il a vu que j'avais fait la Barkley à la toute première édition, il m'a proposé de me sponsoriser.
Mais depuis, j'ai repris un peu « ma liberté » même s’ils ne sont pas très contraignants.
Avant de parler de tes aventures à la Barkley, j’aimerais qu’on s’attarde un peu sur ton magazine, RunningMag. Qu’est-ce que tu proposes là-dedans ?
À la base, ça a été du pur journalisme sur des épreuves. Je vais sur place, je fais des photos, j'écris des articles et je fais des interviews, comme un mensuel tout simple. C'est un média régional du Sud Ouest. Comme il s'agit d'une petite structure, ça me va très bien.
Tout a commencé il y a 25 ans, lorsque la course n'était pas aussi développée que maintenant. En tant que coureur, je ne me retrouvais pas dans l’offre de l’époque : aucun média ne parlait vraiment des courses.
Il y avait un manque et je me suis dit : ‘‘Tiens, je vais essayer de lancer mon propre magazine, comme ça, je pourrais en parler beaucoup plus largement’’. Et ça a bien fonctionné. Quand tu es passionné de course et qu'il y a un petit magazine local, ça plaît toujours.
En quelle année as-tu lancé RunningMag ?
J'ai monté ma société en 2000 et en 2001, il y avait le premier magazine qui voyait le jour. Le site web a suivi 10 ans après. Je travaille avec de la publicité mais également avec les organisateurs de petites courses locales.
J'aime bien parce qu’avec eux je peux développer une relation amicale. Ils savent que finalement, les gens vont aller sur le site pour chercher les reportages, les photos et les résultats. Aujourd’hui, on tourne autour de 45 000 visites mensuelles.
Le fait de rester une petite structure m’a permis de garder ma liberté et de courir comme je veux et de faire la Barkley plusieurs fois.
Tu t’es testé sur la Barkley*, une épreuve qui est réputée pour être impossible. Dis-nous quelques mots sur cette expérience hors pair.
* La Barkley Marathon en quelques mots : la Barkley Marathon compte 17 finishers historiques (en 2023, cela faisait 5 ans que personne ne terminait la course). Elle a lieu au parc de Frozen Head, au Tennessee. Les GPS y sont interdits. Il n’y a pas de poste de ravitaillement. Il faut compléter 160 kilomètres en cinq boucles et en moins de 60 heures. Pour démontrer son parcours, il faut trouver des pistes éparpillées dans la forêt. Pas de site web officiel, pas de formulaire pour acheter un dossard… C’est une épreuve assez mystérieuse, digne des Illuminati. Et Rémy y a été plusieurs fois !
Aujourd’hui, je la vois avec du recul : ça fait quand même sept fois que j'y vais. Pour moi, c'est une espèce de quête plus qu’une course. Je sais maintenant qu’avec mes moyens je ne pourrai jamais la terminer. Ils sont très rares à pouvoir le faire.
C'est très limitatif comme façon de penser. Mais en fait ça me plaît bien parce que c'est comme si tu passais du temps à essayer de résoudre quelque chose et que finalement, tu sais que tu n'auras pas la solution. Mais quelque part, est-ce que c'est grave ?
À mon âge (j’ai 53 ans), ça permet de chercher à aller un peu plus loin encore et d’essayer d'évoluer. C’est également l'occasion de philosopher sur le pourquoi de la vie.
Comment est-ce qu'on s'entraîne pour ce genre de course ? Est-ce qu'il y a vraiment un entraînement à suivre ? Bien évidemment, ça ne joue pas seulement sur le plan physique : il y a le mental, le fait de se repérer, la gestion du sommeil...
Oui, la principale difficulté, et pour tout le monde, c'est de s'orienter la nuit. La carte est assez imprécise. À cela il faut ajouter le brouillard parfois. La nuit, tout se ressemble. Tous ces facteurs peuvent te retarder sur ton chrono. Et cela se rattrape rarement plus tard dans la course.
Maintenant, les gens connaissent de plus en plus la carte. Il y en a beaucoup qui préparent déjà bien en amont l’itinéraire grâce aux ressources en ligne. Ça, ça n'existait pas il y a dix ans. La carte, tu l'avais quand tu entrais sur le parc. Maintenant, les gens y vont en connaissance de cause.
Par rapport à l’entraînement physique, tu fais le maximum que tu peux en kilométrage et surtout en dénivelé. En plus, certaines personnes comme Aurélien qui a fini la Barkley cette année, travaillent évidemment l'orientation, la connaissance du parc et les microsommeils, justement, pour essayer de pallier la durée de la course.
Mon objectif était plutôt d'arriver à commencer le troisième tour. Mais il me manque à chaque fois un poil de temps et quelques bouquins à trouver. Mais déjà sur la fin du deuxième tour, tu es bien entamé, finalement. Et là, tu dois choisir entre finir le tour suivant hors délai (au-delà de 12 heures par tour), de rentrer en coupant à travers les sentiers du parc ou de capituler.
Tout le long de la course, tu es bien exposé à plusieurs dangers. La dernière fois, je suis tombé et j'ai cassé mon bâton. Derrière, j'ai fait une chute un peu plus traumatisante. Ça ne se joue à rien.
Question incontournable chez RUNNEA : quid des chaussures de trail. Tu te souviens des modèles ?
Je me souviens très bien parce que justement, je ne sais jamais trop quoi mettre. Pour l'anecdote, cette année, j'étais blessé au tendon d’Achilles et j'ai failli ne pas y aller. Et finalement, j'ai chopé sur Internet une orthèse qui te cale le talon et qui m'a permis de m'entraîner. Mais du coup, j'étais obligé de prendre des chaussures avec un drop le plus élevé possible (entre 9 et 12) : je me suis retrouvé avec une paire de Kalenji. Et malgré tout, ce n'était pas le bon choix cette année parce que ça glissait beaucoup.
J'étais avec un copain qui portait des HOKA avec une meilleure accroche. Autant je montais bien, autant en descente, j'ai galéré pour qu'on soit ensemble.
Sinon, lors des premières éditions, j'étais sur des adidas Terrex car i-Run, mon sponsor à l’époque, m’en filait.
C'est passionnant de voir comment quelqu’un qui a un métier à plein temps et une famille relève le défi d’aller à la Barkley et que tu persistes année après année. J’espère que tu seras sélectionné pour l’année prochaine et remplir ton objectif d’arriver au troisième tour ! Pour terminer, voici la vidéo de la Barkley de 2016, signée par RunningMag.
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